Le Grand Hiver de 1708-1709

Le Grand Hiver de 1708-1709

Dans l’exposition “Catastrophes naturelles et épidémies en Drôme” on pouvait entre autre voir des photos de l’hiver de 1970 avec beaucoup de neige. Des gens se trouvaient bloqué sur le N7 à Montélimar. Dans notre histoire on peut trouver plusieurs hivers très sévères. Dans cet article nous demandons votre attention pour Le Grand Hiver de 1708 à 1709 et les conséquences de cette période dans notre région.  

Plusieurs périodes de froid

L’an 1708 finissait très doux avec beaucoup de pluie et dans le sud de la France la végétation redémarrait. Il existe un dicton qui dit  « Il vaut mieux voir un voleur dans son grenier qu’un laboureur en chemise en janvier », les températures très douces de début janvier suivies d’une grosse vague de froid qui commençait la nuit du 5 au 6 janvier1709 eurent des conséquences désastreuses pour les cultures. Les deux semaines après il y avait beaucoup de neige et la température descendait jusqu’à les -20 °C. Cette période très froid durait du 6 au 22 janvier. Après un redoux brutal la température retomba brièvement, suivie d’un nouveau redoux, puis la température rechuta brutalement à la fin du mois.

Partout en France les fleuves et les ports étaient bloqués par le gel. Dans le port de Marseille mais aussi à certains endroits sur la Rhône la glace pouvait porter des charrettes. Dans les villes qui avaient des problèmes avec leur l’approvisionnement les habitants brulaient leurs meubles pour se réchauffer.

Le gouvernement de Louis XIV dut faire face à une crise alimentaire catastrophique engendrée par le froid extrême. Une commission spéciale fut chargée de distribuer en urgence des céréales. Elle était présidée par Henri-François d’Aguesseau représenté dans la gravure ci-dessus. Aux grands maux les grands remèdes : quiconque était pris à faire provision de céréales risquait la condamnation au travail forcé dans les galères ou même l’exécution.

Mais cette vague de froid n’était pas le seul problème en 1709. Les paysans avaient de maigres récoltes et la guerre de Succession d’Espagne causaient de lourds impôt et l’enrôlement.

Le froid et la faim en 1709 faisait que les gens étaient plus facilement atteint par des maladies  et ils favorisaient une épidémie à l’échelle européenne en 1709 et 1710. Aussi la peste frappa cette année-là.

Les pénuries alimentaires durèrent jusqu’à la fin de l’année 1710. Arbres fruitiers, céréales, vignes, légumes et troupeaux, tout fut perdu et les récoltes de l’été suivant ne purent même pas être plantées. Le prix des céréales atteignit des sommets en 1709, jusqu’á six fois le prix normal.

Le Curé Mestisier de Saint Restitut écrit le texte suivant dans son registre. Un texte qui explique la situation en 1709.

[1]

Causes

Certains pensent que ce temps a une relation avec des éruptions du mont Fuji et le Vésuve en 1707 et 1708. Les cendres la stratosphère, pourraient expliquer cet hiver rigoureux en 1709. Les températures moyennes en Europe étaient 7 °C inférieur aux moyennes du XXe siècle.

Le Rhône gelait. Le 8 janvier, la température chuta de plus de 19 degrés Celsius, passant de +8,5 °C à −11,2 °C. À Montpellier la température descendait le 11 janvier jusqu’á, −16,1 °C

Compte rendu d’un contemporain

Pierre Billion à Avignon note:

« Le dimanche 6e janvier 1709, le temps parut beau et beau soleil jusques environ les trois heures après midy qu’il se couvrit par une bize froide qui augmenta si fort que dans la nuit, touts les bords du Rhosne et de la Sorgues qui traverse notre ville, furent glacés ; lequel froid violent et sec le fut tellement que le dit Rhosne et Sorgues furent glacés jusques au jeudy 17e dudit mois9 »

L’influence de la Grande Hiver dans notre région sur la population.

Nous comparons dans cet article l’effet de cet hiver sur trois villages : Crupies et Vesc et Soyans.

Comme vous le savez le village de Crupies consiste de plusieurs hameaux, sans centre.

Qui furent les victimes des mauvaises années ?

Crupies

Il est intéressant d’examiner l’âge de ceux qui furent les principales victimes des mauvaises années.

Le nombre de décès commence à monter en 1709. Après l’hiver catastrophique qui a détruit la semence, certains gens manquent de nourriture, affaiblissent en meurent de faim.

Le curé de Crupies, qui portait le nom « de Féburier » écrivait souvent plus que le nécessaire dans son registre paroissial. On y trouve des remarques mécontentes sur l’absence d’un individu à l’église mais aussi des causes de la mort. Malheureusement l’année 1711 manque dans le registre.

L’année mil sept cens et neuf et le24e jour du mois de mai est décédé dans un champ derrière Couspeau Jean Pierre Marrou habitant et originaire de cette parroisse le jour par une simple defaillance de cour et netang pas secouru il a rendu ses derniers soupirs ainsi que son enfant mais ne le pueu Sa femme nous est venu advertir et a demandé la sépulture mais comme il n’avait fait de sa vie son devoir et que dailleurs il était mal Famé nous lui avons refusé la sépulture éclesiastique à Crupies l’an et jour ci dessus Feburier, curé

Et on lit dans le registre quelques jours plus tard :

Décédé à Crupies le nommé Antoine Raspail de Bezaudun lequel on a trouvé dans le champ de Rhodé situé en dehors de Crupies près de la rivière et comme ledit Raspail n’avait ??? de sa vie fait aucun devoir de catolique et mis dans le champ de Nezon. Les parents sont venus le recognaistre et la Justice qui setait transporté ont recognu aussi lesdit parents du mort qu’il est peri de faim. Telle est la vérité et ai signé Feburier, curé

Dans ces deux déclarations il est clair que la mort de ces hommes est le résultat de la faiblesse et de la faim.

Mais la plupart des actes de décès ne donnent pas ces indications. Ce sont surtout les nombres qui indiquent la gravité de la situation.

L’année 1708, juste avant le Grand Hiver, comptait encore 6 baptêmes registré , deux fois le nombre des décédés. En 1709 le nombre de baptêmes monte légèrement jusqu’á 6 mais le cifre des décès quadruple justqu’á 12. L’année 1710 est pire encore. On registre qu’un baptême et on compte 14 décès.De ces 26 décès dans les années 1709 et 1710, 23 étaient enterrés en terre profane. (88%). Ce qui prouve que la population était en large majorité protestant. 

On doit aussi se réaliser qu’un nombre inconnu d’enfants ne sont pas baptisés par le curé. Les décès aussi n’étaient pas toujours enregistrés et ne figurent donc pas dans nos chiffres. Il faut ajouter que le curé de Feburier n’était pas très aimé par un grand nombre de ses paroissiens[2].

Vesc

Vesc est contrairement à Crupies un vrai village avec un centre avec des commerces entre autre un pharmacien[3] et un notaire[4]. Une autre différence important est le fait que les habitants de Crupies sont en grande majorité protestant tandis que les Vescois sont en majorité catholiques.

Décès en 1708, 1709 et 1710 à Vesc

Années0-10 ans  entre 11et 40 ansplus âgé que 40 ans  Total  BaptêmesTerre profane
17083328180
 
170977112595
1710972541144
 
171141611141
Total16143666239
*24%21%55%  14%

* Pourcentage arrondi des années 1709 et 1710

Les chiffres montrent que dans les années 1709-1710 à Crupies, 61% des décès proviennent du groupe d’âge des plus de 40 ans. A Vesc ce pourcentage est de 55%. Ce sont donc les personnes âgées de la collectivité. 9 personnes sur le 66 décédés ont été enterré au terre profane. (14%)

Bien que le Grand Hiver était à cheval sur 1708-1709. L’effet dure au moins jusqu’á 1711.

Le prieur de Vesc Barthelemy Aubert n’écrit pas beaucoup de choses supplémentaires dans les actes comme son collègue de Crupies, mais les chiffres sont clairs.

On voit aussi que les testaments contiennent des remarques à propos des aumônes pour les mendiants.

Le 11 aout 1709 Maître Etienne Noyer de Vesc note le testament d’André Gras[5]de Vesc, fils à feu Etienne, époux de Jeanne Brunette :

« sous nommé le jour de son decez ou dans lan diceluy veut quil soit fait une aumone aux pauvres dud lieu d’une cymène[6] bled[7] converti en pain pour une fois(..)»

André Gras décède le 16 aout de la même année !

Annibal Guille l’époux de Franson Peilh, aussi de Vesc fait son testament[8], parce qu’il est « indisposée de son corps ». Maitre Noyer l’écrit le 29 aout 1709. Dans ce testament on lit entre autre

que « son heritier soubs nommé le jour de son decez ou dans lan diceluy donne et legue aux pauvres dud Vesc une Cymene bled ou segle convertie en pain »

Annibal Guille décède le 16-08-1738 ![9]

Pierre Tardieu, époux de Marie Port envois son fils Vincent chez le notaire pour faire écrire son testament « étant assaint dune maladie corporel gisant dans son lit et sain de ses(..) mémoire » et lui aussi pense « aux pauvres mandians [10]»  :

« (..) le dit testateur veut quil soit fait une aumome au pauvres mandians dudit Vesc du pain distribuable à sa porte… »

Pierre Tardieu décède le 10-03-1711[11].

Le couple Jérôme Roussin et Philise Laye Gras font leur testament[12] le 5 aout 1710 et ici aussi les mandiants ne sont pas oubliés. Jérôme décède le 13 aout de la même année.

Soyans

A Soyans aussi il y avait beaucoup de victimes. À la fin de l’année 1709 le curé Tournillon de Soyans écrit le texte suivante dans son registre :

Cette année 1709 Le froid fut si violent que tous bleds[13] et semis? périssent.

Décès en 1709 et 1710 à Soyans

Années0-10 ans  entre 11et 40 ansplus âgé que 40 ansinconnuTotal  BaptêmesTerre profane
170811068170
 
17095021825140
1710913173080
 
17112005721 
Total14153555220
*25%2%9%64   

* Pourcentage arrondi des années 1709 et 1710

À Soyans je n’ai pas pu trouver des personnes qui furent enterrées en terre profanes pendant les années 1709 et 1710. Bien que Etienne Gogne a pu éviter de se faire enterrer en terre profane « apres setre confesser et abiuré la Religion de Calvin »[14]. La comparaisson entre Soyans et les deux autres villages est difficile quant aux catégories. À Soyans il y a trop de décédés dont l’âge est inconnu. Mais dans les trois villages on voit que l


[1] RP Saint Restitut (1704-1713) page 47

[2] voir Crupies 1696-1792 page 26

[3] Charles Colson

[4] Etienne Noyer

[5] 2 E 11979 page 27

[6] Une hémine??, ancien mesure de grain

[7] blé

[8] 2 E 11979 page 30

[9] RP Vesc (1736-1752) page 19

[10] 2 E 11979 page 80

[11] RP Vesc (1710-1732) page 13

[12] 2 E 11979 page 106

[13] bleds: DMF (Dictionaire du Moyen Français) blé

[14] RP Soyans (1692-1716 ) page 103