ME Too À Félines

ou la revanche des femmes abusées

En général les éléments les actes de naissance se ressemblent beaucoup mais parfois on en trouve un qui sort de l’ordinaire.

Le premier que nous voulons vous montrer est celui de Marie Bouvat. Dans cet acte de naissance a été incorporée la déclaration d’Anne Bouvat, sa mère,  veuve de Jean Mathieu Bouloumois, (décédé le 2 Pluviose An IX[1]) devant le Juge de Paix quelques mois avant la naissance de l’enfant. Cet acte est suivi d’une déclaration de Joseph Magnet, fait devant un huissier, concernant le nom de cette enfant.

Déclaration d’Anne Bouvat  devant le juge de paix[2] :

Ce jourd’hui cinquieme nivose an douze[3] de la Republique française uni et indivisible pardevant nous Jean François Descours Juge de paix du Canton de Bourdeaux (…) = Est comparu la citoyenne Anne Bouvat veuve Bouloumois domiciliée en la commune de félines, agée d’environ vingt six ans, laquelle au moyen du serment par elle prêté la main levée ala manière accoutumée, nous a dit Et déclaré que le citoyen Joseph Magnet fils, de Féline l’ayant Recherchée En mariage depuis environ sept mois, elle eut la faiblesse après les insistances Reiterées de ce dernier de lui accorder sa connaissance charnelle, ensorte quelle est devenue enseinte du fait Et œuvre du Joseph Magnet depuis environ le terme de sept mois précitté (…)

Comme led Magnet ne veut point Executer lad promesse verbale de mariage qu’il lui avait faite ; elle nous fait la presente déclaration pour se mettre alabri de peine porté par la loi Et d’ailleurs pour se mettre aportée d’agir contre son seducteur ainsy qu’il appartiendra nous requerant de lui octroyer acte de son dire et

Comparution :

aquoi nous Juge de paix ayant optemperé nous lui avons de suite fait lecture de sa comparution après quoi elle a dit quelle contient vérité quelle ne veut y ajouter n’y diminuer.

Sur quoi nous lui nous avons expressement enjoint de veiller ala conservation de son fruit sur la peine portée par les lois sur la matière que nous lui avons fait entendre, de tout acte les susdit jours, lieu et an que dessus, que nous avons signé Et non la ditte Anne Bouvat veuve Bouloumois qui nous a declaré ne savoir Ecrire ny signer de ceque enquete et requete, Descours, Juge de Paix enregistré à Dieulefit le 9 nivose an douze de la Republique f(olio) 10 case 2 Reçu un francs dix centimes (…)

Mais, mais, mais … Joseph Magnet n’apprécie pas que son nom figurera dans l’acte de naissance de l’enfant d’Anne Bouvat, alors il prend contact avec Sébastien Stopul, huissier public à Bourdeaux pour essayer de l’éviter[4]. Dans le texte de cet huissier, il est dit que Joseph Magnet est le fils de Jean Henry Magnet, demeurant à Félines. Il s’agit ici très probablement de Joseph Magnet, fils de Jean Henry et de Jeanne Marie Mazade. Il se mariera le 22 février 1806 avec Suzanne Brunel de Salettes. 

L’an douze de la Republique française le vingt un nivose[5] Jean Sebastien Stopul huissier public (…..) demeurant a Bourdeaux soussigné au requis du citoyen Joseph Magnet fils a Jean henry magnet et de lui autorisé — proprietaire demeurant a felines ……….. Expres porté au domicille du citoyen Ollivier maire et officier public de la ditte Commune de felines (…) represente que le cinquieme jour du mois de nivose dernier anne Bouvat veuve Bouloumois (…)a fait sa déclaration de Grosesse devant le Juge de paix du Canton de Bourdeaux, (…..), dans laquelle elle s’est permise de designer le Requerant comme le père de l’enfant dont elle sest dite enseinte qua la faveur de cette déclaration la ditte anne Bouvat (illisible) de faire enregistrer la naissance de son enfant sous le nom dud magnet fils, comme père, lequel (illisible) negative d’avoir jamais frequenté la ditte Bouvat, et d’être parconsequent le père de l’enfant dont elle s’est ditte enseinte ; que cette négation suffit pour prevenir et arreter les projets perfides de la ditte Bouvat Veuve Bouloumois envers le Requerant, puisque la legislation actuelle n’admet pour preuve de la paternitté que des actes et des faits (… ) de l’avoeu et de la volonté libre de celui aqui elle est attribué au moyen de quoi led Joseph Magnet est Bien fondé de s’opposer, comme par le present il déclare former opposition à l’enregistrement sous son nom de la naissance de l’enfant dont il sagit et sy (illisble) de cette opposition il était passé outre par le citoyen ollivier le Requerant proteste de tout ceque de fait et de droit même de le prendre a partie et de se pourvoir pardevant qui de droit pour faire ordonner la radiation de la naissance de l’enfant dont la ditte anne Bouvat veuve Bouloumois s’est ditte Enseinte sy elle était faite sous le nom du requerant et pour faire inhiber et defendre à la ditte Bouvat ainsy qu’a tout autre qu’il appartiendra de porter n’y faire porter chez led citoyen magnet l’enfant dont il sagit sous la (illisble) du droit et sans toute plus ample protestation.

Jai aud ollivier laissé la presente Copie (…)

L’enfant d’Anne est née le vingt-sept ventôse an douze[6] de la République, son nom est Marie et elle est la fille naturelle d’Anne Bouvat, veuve Bouloumois. Marie Ouillon, la mère d’Anne présente l’enfant et demande au maire d’ajouter à l’acte de naissance, la déclaration que sa fille a faite devant le juge de paix. Dans le texte de cet acte on nous fait part du contenu de la déclaration d’Anne.

Mairie de Félines

arrondissment communal de Die

du vingt sept ventose an douze de la Republique acte de naissance de Marie Bouvat née ce jourdhui a cinq heures du matin fille naturelle d’anne Bouvat habitante de cette commune veuve Bouloumois laquelle par declaration faitte devant le juge de paix du canton de Bourdeaux en datte de cinq nivose an douze avoit designé joseph magnet fils (…..) pour être le père dudit enfant ceque ledit magnet nie comme il resulte par acte extra judiciaire en datte du vingt un nivose signifié a nous maire de felines et joint au reg present registre. (…)

soussignés

Faure  Pierre Rey  (et) Ollivier

 Je ne sais pas si cette façon d’agir a donné une idée à d’autres femmes séduites, mais on trouve des cas semblables en 1806.

Le 21 mai 1806 Jean Pierre Planel va à la Mairie pour présenter l’enfant de sa sœur, Marie Planel, qui a accouchée d’une fille le 22 avril de la même année. Il s’est donc écoulé un mois entre la naissance et l’enregistrement, peut-être la famille a-t-elle négocié avec la famille du père géniteur mais cela n’a pas eu aboutissement concret. Jean Pierre Planel lui donne « le nom et prénom de Marie Brugier [7]». Selon nous ce changement de nom de famille n’a que pour but de dévoiler le nom du père naturel. Probablement la personne visée a dû s’en rendre compte, mais pour nous il reste impossible de trouver le père naturel de l’enfant. Le nom Brugier est assez commun dans la plaine, mais je n’ai pas pu trouver de lien avec Félines. Nous n’avons donc aucune idée de quel Brugier il s’agit. Quand elle se marie avec Antoine Reymond en 1826 [8] on lit dans l’acte que Marie Brugier est l’enfant naturelle de Marie Planel. Egalement dans l’acte de son deuxième mariage[9] nous lisons le même texte. Marie Brugier décède à Cléon d’Andran le 22-10-1876[10].

Un cas, qui ressemble encore au sujet de l’article se trouve dans les actes quelques mois plus tard mais toujours en 1806.

Le 8 juillet 1806 Joseph Faure se rend à la Mairie pour présenter l’enfant de sa soeur Hélène Faure. L’enfant née le 4 juillet « auquel il donne le nom et prénom de Louise Duc[11] ». La vie de Louise Duc n’est pas longue, elle décède le 29 juillet 1806.[12] Nous n’avons aucune idée de qui est visé par le nom de Duc. Hélène Faure devient la servante de Jean Jacques Jai (Geai) qui habite à Rochebaudin. Avec lui elle a deux enfants : Jacques Cesard Jai[13] (1811) et Sophie Jai[14]. Hélène Faure se marie avec son patron quelques années après la mort de la femme de celui-ci, Marie Magdelaine Vial le 20-06-1817. Sophie Jai se mariera bien plus tard avec Charles Charles, enfant naturel de Valence et personnage principal de « L’histoire d’un enfant trouvé » dans le livre « La Sorcière dans la forêt de Saou »

 

 

[1] 27-01-1801

[2] Etat Civil de Félines (An XI-1812) page 15

[3] 27 decembre 1803

[4] Etat Civil de Félines (An XI-1812) page 16

[5] 12 janvier 1804

[6] 18 mars 1804

[7] Etat Civil de Félines (An XI-1812) page 41

[8] Etat Civil de Félines (1823-1832) page 54

[9] Etat Civil de Rochebaudin Mariages (An X-1889)page 143

[10] Etat Civil de Cléon d’Andran Décès (1851-1889) page 174

[11] Etat Civil de Félines (An XI-1812) page 42

[12] Etat Civil de Félines (An XI-1812) page 58

[13] Etat Civil de Rochebaudin Naissances (An X-1889) page 44

[14] Etat Civil de Rochebaudin Naissances ( An X-1889) page 67